LE BURN-OUT SPIRITUEL,
CE MAL DONT ON NE PARLE PAS ASSEZ !

Et si, derrière nos chants, nos cultes et nos programmes, se cachait un mal silencieux ? Celui d’une foi fatiguée, d’une âme surmenée, d’un cœur croyant mais épuisé. Pourtant, dans bien des églises, il s’installe à bas bruit, sans fracas, jusqu’à éteindre la joie de servir. 

Derrière les sourires du sabbat ou du dimanche matin, les cultes animés et les programmes d’évangélisation à répétition, certains croyants s’effondrent intérieurement. Ils ont donné, encore et encore, jusqu’à se perdre dans l’engrenage du service. Leurs bras servent, mais leur cœur s’essouffle. 

On parle souvent du burn-out professionnel, rarement du burn-out spirituel, un épuisement qui touche de plus en plus de chrétiens engagés.

QUAND SERVIR DEVIENT TROP LOURD

Pourquoi en est-on arrivé là ? Dans de nombreuses communautés, être « au service de Dieu » est devenu une charge presque constante. Dans beaucoup d’églises, l’histoire est la même. On repère ton talent, ton sérieux, ton zèle… et te voilà engagé partout. Chanter, animer, organiser, accueillir, conseiller. L’Église t’appelle, souvent avec la meilleure des intentions. Tu es sollicité. On demande, on insiste, on enchaîne. La louange, la répétition le mercredi, le jeudi ou le vendredi, la réunion de prière, la campagne d’évangélisation le mois suivant, les quinzaines, les soirées d’intercession, … Avec cela, beaucoup de fidèles et même de dirigeants deviennent de plus en plus exigeants, faire de son mieux n’est pas suffisant.

Peu à peu, la vie d’église occupe chaque espace. L’agenda devient surchargé, au détriment parfois du repos, de la famille, de la vie personnelle. Et celui qui tente de souffler un peu se sent coupable. Comme si refuser, c’était manquer de foi. A vrai dire, sans que l’on ne s’en rendre vraiment compte, progressivement, le zèle remplace le discernement, l’appel devient injonction. On finit par confondre servir Dieu et s’oublier soi-même.

UNE FOI FATIGUÉE

Mais que devient la foi quand elle devient fatigue ? À trop servir, on finit parfois par ne plus savoir pourquoi on sert. L’enthousiasme du départ laisse place à la lassitude. Les mots « Dieu t’appelle » résonnent, mais ne trouvent plus d’écho intérieur. Et quand le cœur s’assèche, la prière devient mécanique, la louange se vide de sens. Ce n’est plus la flamme qui brûle, c’est la mèche qui se consume.

Les causes sont multiples. L’église, dans sa ferveur, ne sait pas toujours s’arrêter. Elle multiplie les programmes, les campagnes, les soirées spéciales, convaincue que l’activité est signe de vitalité. Mais une église vivante n’est pas forcément une église débordée. À force d’en faire trop, elle finit par oublier le repos, pourtant inscrit dès la création comme une loi divine : « Dieu se reposa de toute son œuvre » (Genèse 2 :2). Si même le Créateur a pris le temps de s’arrêter, pourquoi ses serviteurs s’en priveraient-ils ?

Et puis, il y a cette idée — bien intentionnée mais souvent dangereuse — que tout appel vient forcément de la bouche d’un responsable spirituel. Quand un pasteur ou un leader affirme : « Dieu t’appelle à ce ministère », combien osent encore prendre le temps de prier, de discerner, d’écouter ? Par respect, par crainte, ou par désir de plaire à Dieu, on dit oui. Mais un appel véritable doit toujours trouver confirmation dans le cœur de celui qui le reçoit. Sinon, ce n’est pas une mission, c’est une pression. Et ça, on l’oublie souvent, dommage ! 

Ce qui interpelle vraiment, c’est que l’église ignore parfois la réalité de ceux qu’elle appelle. Elle ne connaît pas les défis personnels, les épuisements professionnels, les soucis de santé, les nuits blanches d’un parent ou les angoisses d’un étudiant. Tout ce qu’elle voit, c’est la disponibilité apparente. Et quand l’engagement devient trop lourd, quand l’énergie s’éteint, on parle d’un manque de zèle, alors qu’il s’agit souvent d’un trop-plein de don de soi.

Les chiffres confirment cette dérive. Selon une étude menée en 2021 par la Presbyterian Church (USA), 49 % des pasteurs se déclaraient en état de fatigue chronique. 35 % redoutaient le burn-out, 32 % se sentaient isolés. 

Ces chiffres, bien qu’américains, reflètent une tendance mondiale : les serviteurs de Dieu — pasteurs, responsables, bénévoles — sont fatigués. Et quand les bergers sont épuisés, les brebis s’épuisent aussi. Notez que ce malaise ne s’arrête pas aux dirigeants. Il gagne les bénévoles, les musiciens, les responsables de jeunesse. Tous ceux que l’on félicite pour leur dévouement… mais que l’on oublie d’écouter. Le burn-out spirituel est bel et bien un phénomène global, rarement nommé, encore moins accompagné.

L’ÉGLISE DOIT TROUVER LA JUSTE MESURE

Disons-le franchement, une église vivante n’est pas une église épuisée. Alors que faire ? Faut-il cesser de servir ? Certainement pas. Servir Dieu reste une grâce, mais ce service doit être équilibré. Il faut réapprendre à poser des limites, à dire non sans culpabilité, à discerner sans précipitation. Il faut aussi que les églises redécouvrent la valeur du repos, de la famille, du silence, du soin de soi. « Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile », disait Paul (1 Corinthiens 6 :12). Une communauté en bonne santé est celle qui prend soin de ses serviteurs, qui reconnaît leurs limites, qui encourage le repos et le ressourcement. La fidélité n’est pas dans la suractivité, mais dans la constance paisible. 

« Le zèle n’est pas synonyme de santé spirituelle. L’épuisement ne glorifie pas Dieu. »

POUR UNE ÉGLISE QUI GUÉRIT

On ne peut plus voir le phénomène grandir sans agir. Il faut agir vite, très vite et agir bien, avec sagesse et avec l’esprit de Dieu. Le burn-out spirituel, loin d’être une fatalité, peut devenir une occasion de renaissance. Il invite à redéfinir le sens du service, à revenir à la simplicité du cœur, à redécouvrir la joie du silence et de la prière. 

Aujourd’hui, nous devons avoir le courage de reconnaitre que le « burn-out spirituel » est un indicateur, que les systèmes communautaires, les pratiques bénévoles, l’engagement ecclésial ont perdu l’équilibre. Il s’agit d’un appel — non à réduire l’engagement, mais à le redéfinir : servir efficacement et durablement, dans la joie, dans l’énergie donnée par Dieu, non dans l’épuisement.

Rappelons que la mission première de l’Église ne se limite pas à bâtir des programmes ou à remplir des sièges. Elle est avant tout un espace de soin, de guérison et d’enseignement. 

Jésus lui-même, modèle absolu du service, allait vers les cœurs blessés, apaisait les souffrances, relevait les âmes fatiguées. L’Église, dans cette continuité, est appelée à prendre soin de ses fidèles — non seulement de leur vie spirituelle, mais aussi de leur équilibre humain, émotionnel et relationnel. 

Guérir, c’est écouter sans juger ; enseigner, c’est former sans épuiser ; aimer, c’est accompagner avec discernement. C’est dans cette bienveillance que se manifeste la véritable puissance de la foi : une communauté qui restaure avant de mobiliser, qui élève avant d’exiger, et qui apprend à chaque croyant qu’il est d’abord un enfant de Dieu avant d’être un serviteur.

IL Y A-T-IL DES SOLUTIONS ? 

Parlons donc de solutions. Premièrement, l’église a besoin de « repos ». « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » (Matthieu 11:28). Ce verset n’est pas une invitation à l’inaction, mais un rappel d’amour : Dieu ne nous veut pas vidés, mais vivants. Il serait donc opportun de repenser les rythmes, les attentes, les temps de repos, la reconnaissance, la bienveillance.

L’église doit aussi, urgemment apprendre à écouter ceux qui servent, à les remercier et à leur offrir du temps pour souffler. Alors que l’on souhaite voir des communautés vivantes, renouvelées, créatives — il importe que ceux et celles qui les servent puissent se lever chaque matin en vie, et non simplement par devoir. Il est essentiel d’encourager les fidèles à prendre du recul, à prier non pour faire davantage, mais pour mieux comprendre ce que Dieu attend réellement d’eux.

Dès lors, on comprend que le burn-out spirituel, aussi douloureux soit-il devient un véritable indicateur. Il réapprend à revenir à l’essentiel. Il pousse à retrouver la simplicité du lien avec Dieu, à distinguer l’appel du besoin de reconnaissance, à réconcilier le service et la sérénité. Après l’épuisement vient souvent la renaissance, celle d’une foi plus paisible, plus libre, plus sincère. 

Sortir du burn-out spirituel, c’est d’abord reconnaître qu’il existe. C’est se donner le droit de dire non, de se retirer pour mieux revenir. C’est retrouver un équilibre : vie spirituelle, vie familiale, vie professionnelle, vie personnelle.

Peut-être est-il temps pour l’Église de repenser humblement sa cadence, d’alléger ses programmes, de valoriser autant le repos que le service. Peut-être est-il temps de rappeler à chacun que penser à soi n’est pas un péché. Qu’un père ou une mère qui choisit d’être présent pour sa famille sert aussi Dieu. Que l’équilibre entre le don de soi et le soin de soi est une forme de sagesse spirituelle.

UNE CAUSE NATIONALE

Il est important de rappeler que la santé mentale a été désignée Grande Cause nationale en 2025, alors qu’un Français sur quatre sera confronté à un trouble mental au cours de sa vie. 1 personne sur 4 va souffrir d’un trouble mental à un moment de sa vie.

Notons que 23 % des Français ont le sentiment de ne pas prendre soin de leur santé mentale dont 36 % des femmes et 38 % des 18-24 ans. 70 % des Français cautionnent un stéréotype concernant les personnes atteintes de troubles de santé mentale. 1 salarié sur 4 se dit en mauvaise santé mentale. 

Lever les tabous, améliorer l’accès aux soins, à l’information et renforcer la prévention sont au cœur des actions portées par l’Etat et ses partenaires. L’église ne devrait donc pas être épargnée.

Source : https://solidarites.gouv.fr/la-sante-mentale-grande-cause-nationale-2025 

UNE QUESTION D’ÉQUILIBRE

Dieu n’appelle pas à se consumer, mais à briller. La différence est grande. Et c’est sans doute là que commence la guérison : quand la flamme du service retrouve la douceur de la lumière. Alors, peut-être que le temps est venu de nous poser les bonnes questions. Vous, vous en êtes où ? Burn-out spirituel ou pas ? Et au final, on parle de burn-out .... spirituel ou .... burn-out ... religieux ? Vous en pensez quoi ? 

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